Le VIH en Ethiopie
Comme partout dans le monde, l’épidémie de VIH sévit depuis plus de trente ans en Éthiopie. L’association de la maladie et de la pauvreté a été délétère pour une grande partie de la population, mais cela a paradoxalement engagé le pays à transformer radicalement ses politiques de santé publique, et plus spécifiquement celles de la prise en charge du VIH et de lutte contre la pauvreté.
L’Éthiopie a donc mis en œuvre à partir de 2005 un accès gratuit et généralisé aux antirétroviraux en partenariat avec le President Plan For AIDS Relief (PEPFAR), le Fonds mondial de lutte contre le sida la tuberculose et la malaria, et le ministère de la santé. Cet accès gratuit et généralisé aux médicaments a constitué un évènement majeur dans l’histoire de la santé publique éthiopienne car il a permis d’endiguer l’épidémie et d’améliorer la prise en charge des personnes malades.
Cela a également engagé des transformations sociales considérables pour les populations atteintes qui, en étant en meilleure santé, ont pu accéder à l’emploi et ainsi subvenir à leurs besoins. C’est pourquoi les politiques de lutte contre le VIH et la pauvreté sont étroitement liées.
Selon les derniers chiffres de l’ONUSIDA[1] (2021), 610 000 personnes vivent avec le VIH en Éthiopie et 500 000 sont sous traitement antirétroviral. 42 000 sont des enfants âgés de 0 à 14 ans, 570 000 sont des adultes de 15 ans et plus, 360 000 sont des femmes et 210 000 des hommes.
Les efforts que les politiques ont accomplis en matière de lutte contre le VIH permettent aujourd’hui à la population éthiopienne d’avoir accès gratuitement au dépistage de la maladie, aux traitements antirétroviraux, aux examens biologiques nécessaires au suivi de la pathologie et aux programmes de prévention. Cependant, le traitement et la prise en charge des complications telles que les infections opportunistes, et les compléments alimentaires sont payants.
Les Enfants et Jeunes HIV représente 1/4 des jeunes accueillis au sein du Centre de Burrayou
Les enfants de l’orphelinat de Burrayou ont accès au cours de leur scolarité d’un temps de sensibilisation au VIH. Au même titre que la population générale, les enfants et les jeunes séropositifs ont accès gratuitement aux examens biologiques et aux traitements antirétroviraux. Il ne semble pas y avoir de discrimination au sein de la structure entre les enfants, que ce soit concernant leur statut sérologique ou leurs origines ethniques.
Pourtant, nous ne pouvons que constater que les jeunes séropositifs manifestent plus de souffrances que les autres. Certains ont une mauvaise observance au traitement faute de connaissances suffisantes sur la maladie. Ils ne se sentent pas suffisamment pris en compte par les équipes médicales. Ils peinent à terminer leurs études.
Avec le programme construit en partenariat avec l’ONG ethiopienne MEKDIM, nous avons fait le pari que nos jeunes ne vivraient plus leur double statut d’enfants orphelins et séropositifs comme un handicap, mais comme une ressource dans leur parcours de sortie de la structure. En effet il nous paraît primordial que ces jeunes puissent effectuer une « rupture symbolique » avec leur statut, afin de pouvoir trouver une place dans la société, et une forme de considération sociale qui soit autre que celle protectrice de l’orphelinat.
Nous espérons que les programmes d’éducation thérapeutique, les séances de soutien psychologique et l’accompagnement vers l’emploi auront ouvert la voie vers des parcours d’insertion. Nous espérons également que les techniques d’information et de sensibilisation sur le VIH permettront aux jeunes de combattre la stigmatisation et les discriminations dont ils peuvent ou craignent d’être victimes, et de changer ainsi leur rapport au monde extérieur de la structure.
Ne plus subir la maladie, et promouvoir l’autosuffisance de nos jeunes ; c’est en cela que notre projet d’accompagnement des jeunes séropositifs de l’orphelinat de Burrayou, en partenariat avec l’ONG MENA s’inscrit dans la continuité de la politique de lutte contre le Sida en Éthiopie.
Appréciations de l’équipe de Mekdim suite au programme dispensé sur 2 ans :
« Le projet a permis aux jeunes de faire des progrès significatifs en abordant divers aspects liés au bien-être émotionnel et psychosocial, aux relations sociales et à la stigmatisation, à l’impact sur l’éducation, à l’impact sur la santé et au renforcement des capacités en matière de développement des compétences.
Bien-être émotionnel et psychosocial :
Le projet a permis de relever efficacement les défis émotionnels auxquels sont confrontés les adolescents vivant avec le VIH, tels que la peur, l’anxiété, la dépression et le manque d’estime de soi. Grâce à des interventions de soutien psychosocial, les jeunes séropositifs de Burrayou ont pu développer des mécanismes d’adaptation, accroître leur confiance en eux et améliorer leur bienêtre émotionnel. Ils ont également appris à mettre en œuvre des stratégies pour réduire la stigmatisation, la discrimination et l’isolement, en aidant les individus à renforcer leur résilience et à comprendre des modes de vie positifs.
Relations sociales et stigmatisation :
Le projet s’est concentré sur la création de réseaux sociaux de soutien pour les adolescents séropositifs. En apprenant aux individus à identifier les personnes qui les soutiennent, à communiquer efficacement avec leurs amis et leur famille et à accéder à des groupes de soutien par les pairs, le programme leur a permis de réduire l’isolement et de trouver du soutien social. En outre, des efforts ont été déployés pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination par le biais de l’éducation et de stratégies permettant de faire face à ces défis.
Impact sur l’éducation :
Le projet a eu un impact positif sur les aspects éducatifs tels que la fréquentation scolaire, les résultats et les relations avec les enseignants. Le soutien psychosocial a joué un rôle dans l’amélioration des relations avec les enseignants, dans l’augmentation de la demande de médicaments antirétroviraux et dans l’amélioration de l’assiduité scolaire. Des histoires vécues et des aides visuelles ont été utilisées pour faire passer des messages de manière efficace, ce qui a conduit les jeunes à identifier leurs ressources et améliorer les résultats scolaires.
Impact sur la santé :
En termes d’impact sur la santé, le projet s’est concentré sur l’adhésion aux soins, les avantages des médicaments, la divulgation, le statut de la charge virale et les relations avec les infirmières. En soulignant l’importance de l’adhésion au traitement et en fournissant un soutien psychosocial en groupe et individuellement, le projet a réussi à augmenter la demande de traitements antirétroviraux, d’accepter le traitement à vie, et d’améliorer les résultats de santé pour les personnes vivant avec le VIH.
Dans l’ensemble, le projet a fait preuve d’une approche globale en ce qui concerne le bien-être émotionnel et psychosocial, les relations sociales et la stigmatisation, l’impact sur l’éducation, l’impact sur la santé et le renforcement des capacités en matière de développement des compétences pour les personnes vivant avec le VIH. En mettant en œuvre des interventions ciblées et en se concentrant sur l’autonomisation, l’éducation et le soutien, le projet a permis de réaliser des progrès significatifs dans l’amélioration de la vie des adolescents et des enfants confrontés à des défis liés au VIH. Il a notamment permis d’augmenter la demande de médicaments antirétroviraux, d’améliorer l’assiduité scolaire et de renforcer les relations avec les enseignants »
Un dernier volet de la mission est en cours qui concerne des formations courtes, afin d’accompagner les Jeunes vers l’emploi.
Diverses demandes ont été formulées par les Jeunes : permis de conduire pour être chauffeur, coiffure, immobilier, maquillage, mode et design, gestion hôtelière, guide touristique, montage de vidéo/films, mécaniciens automobiles, métallurgie, peinture, appareil photo et retouches photos, graphisme, biomédical, pédicure et manucure.
– Mise en œuvre
Les professionnels de Mekdim ont ensuite étudié la pertinence des projets en collaboration avec l’équipe de SOSEE, en fonction de leur faisabilité, du potentiel d’emploi et de la disponibilité des programmes de formation à Burrayou et dans les régions voisines afin de minimiser le transport et les coûts associés. Mekdim a ensuite demandé au staff de SOSEE de classer les jeunes par ordre de priorité en fonction des besoins et de leurs capacités à s’engager dans une formation. 20 jeunes ont été sélectionnés. La priorité a été donnée aux jeunes vivants avec le VIH (6 hommes, 2 femmes).
L’équipe de Mekdim a ensuite procédé à l’évaluation de six structures qui dispensent ces formations. Trois structures ont été retenues sur les critères suivants : le coût et la qualité de la formation, la distance du centre de formation par rapport au foyer des jeunes, les opportunités de travail après la formation, et la durée de la formation. Les formations courtes ont été privilégiées (pas plus de 3 mois).
Ce dernier volet du programme a été le plus long à mettre en œuvre. Les sessions de recueil de données ont débuté en août 2024 et ont été interrompues suite au décès du directeur et fondateur de Mekdim.
Le travail a pu reprendre en novembre pour être bouclé fin décembre 2024. Il marque la fin du programme.
Reste aux jeunes de se saisir de ces opportunités de formation et de s’y engager, en espérant qu’elles soient gage d’ouverture vers l’extérieur et d’autonomie.
Extrait du rapport de l’association Passerelle, Pilote du projet soutenu financièrement par toutes les Associations fédérées dans LES ENFANTS DU TOUKOUL ;
Encadrés
Nous accueillons en ce moment
162 jeunes (103 garçons, 59 filles) à Burrayou,
50 sont séropositifs au VIH.
59 jeunes vivent au sein de l’orphelinat,
103 sont en familles d’accueil ou en petites maisons louées,
7 sont replacés dans leur famille mais financés comme des Foster Families.
Certains jeunes cherchent à retrouver leur famille.
10 jeunes ont terminé leur scolarité en septembre (pharmacie, management d’hôtel business, management, comptabilité, soins infirmiers, tourisme…), ils sont désormais à la recherche d’un emploi. Parallèlement, depuis janvier 2024, 16 jeunes ont quitté la structure. Ce résultat est positif et nous encourage à continuer.
Actuellement d’autres Jeunes ayant fini leurs études sont éligibles au départ.