Quel concentré d'émotions en quelques jours !!!
D'abord le départ du 24, on laisse nos 3 enfants chez mon frère et ma belle-soeur; l'émotion est palpable; on sait que quand on se reverra se sera avec notre petit soleil d'Ethiopie!
Dans le train la pression monte; puis je décide d'écrire notre histoire, et ça m'apaise. On arrive à Roissy le coeur battant; Geneviève et Claude nous présentent les autres cigognes. On charge les gros sacs pleins de lait et de fournitures scolaires; on est contents de s'être chargés légèrement.
Encore un peu de patience et on décolle: on passe au dessus de Paris et ses lumières. Quel contraste à l'arrivée: la savane à perte de vue ; elle est verdoyante (c'est la saison des pluies). On atterrit et on foule le sol de l'Ethiopie avec beaucoup d'émotion. A la guest-house Franck me montre le Toukoul depuis la fenêtre du salon. On n'a jamais été aussi prêt c'est sûr.
Après un rapide petit-dej, c'est le moment de partir. On marche, mais je ne vois rien. Je me répète "ca y est, je vais voir ma fille"
On est devant le portail bleu, on rentre dans le petit salon. Tellement de fois, je l'ai imaginé ce moment. Je me demandais si mon coeur résisterait; si je n'allais pas m'évanouir. Je pense à Michel et je l'entends me dire "Il ne faut pas pleurer. C'est de parents dont a besoin votre enfant; pas d'une éponge!"
On est là dans ce petit salon, avec ce sentiment étrange que dans quelques secondes notre vie va basculer à tout jamais.
J'entends "Là voilà"
Elle est là devant nous , comme une évidence. Elle est si mignonne; toute petite, avec de grands yeux noirs qui ont l'air d'avoir tellement peur!
On lui prend chacun une main; elle se laisse faire. On l'assoit sur nos genoux. On lui tend des petits objets; elle fait oui avec sa tête.
Elle garde tout dans ses petites mains, surtout ne rien poser! Même les gommettes, elle se les colle sur les doigts !!!
Je la prends dans mes bras et je sens deux petites mains qui se serrent autour de mon cou comme autour d'une bouée!
Je la trouve bouleversante ma fille, on sent qu'elle a envie que ça marche, qu'elle veut nous faire confiance; mais elle a aussi tellement peur de mal faire. Du coup, elle ne parle pas mais s'endort sur moi. Comme c'est bon !! Sa nurse arrive, lui demande de tout poser, de nous faire un bisou, elle s'exécute.
D'autres émotions nous attendent l'après-midi: la découverte de la chaotique et anarchique Addis: ses marchands de partout qui passent une journée entière à essayer de vendre quelques tomates, des bouteilles plastiques vides .... ses enfants qui sont pieds-nus dans la boue; ses mendiants .... très difficile à supporter même si on s'y est préparés !!!
Du coup, on verra notre fille samedi matin, puis dimanche soir, car on part en excursion à 300 km au sud d'Addis. On reviendra avec des images plein les yeux: cette incroyable route où il faut slaloomer entre les animaux, ce marché aux pêcheurs aux mille couleurs; ces hippo tant attendus !!! Parce-que c'est aussi ça les EAT: ils pensent à nous montrer le meilleur du pays de notre enfant.
Petit à petit, le visage de notre fille se détend, elle a de moins en moins envie de partir quand sa nurse vient la chercher.
Lundi, nous sommes impatients de partir avec notre fille. On arrive dans le petit salon où tous les enfants sont prêts . C'est un moment irréel où le temps semble être suspendu: une grande fille pleure très fort; trois autres sont très excités; les autres ouvrent de grands yeux. Claude à des papiers à nous donner, je vois notre fille ,elle nous fixe du regard. Les derniers mots du médecin qui nous fait des compliments sur notre fille et c'est le départ.
Quelle émotion. L'attente se passe bien. Certains regardent leur album-photo.
C'est en arrivant à Roissy que j'entendrais le son de sa voix pour la première fois "Tariku" . Ce sera aussi son premier chagrin, quand Tariku rejoint ses parents. Je garderai avec moi le souvenir de ces enfants.
Pour les parents qui m'ont croisée, j'avais un peu de mal à sourire à cause d'une méchante tourista qui venait de commencer!
La rencontre avec nos enfants fut encore un grand moment. Dès l'après-midi, elle a commencé à parler à Hippolyte (très fier d'être le premier!)
Hier, elle a dit "maman" pour la première fois !!
Par contre, ce matin, elle a eu un gros coup de blues: elle a pleuré pendant 1heure1/2 (c'est long
) On en a profité pour lui lire son histoire. On lui a fait beaucoup de câlins. On sentait que cette tristesse avait besoin de sortir. Cette après-midi, elle était très différente: elle passe des heures à jouer à la poupée (pas question de faire la sieste! ); elle commence associer deux mots "tiens maman" . Elle adore manger (viande; féculents et bananes); prendre son bain.
C'est un peu plus dur pour le papa. Elle est vraiment très maman, mais je pense que c'est aussi lié à son histoire.
Elle dort bien, à condition que je sois à côté d'elle pour qu'elle s'endorme.
Elle aussi est arrivée avec une bronchopathie, mais je crois que c'est le lot de presque tous les enfants du Toukoul pendant la saison des pluies.
Désolée pour la longueur de ce message et encore j'ai fait de grandes coupes !!!
Merci aux EAT qui nous ont aidé à cheminer vers notre fille, qui ont tout fait pour qu'un jour elle soit là devant nous, comme une évidence ! Et oui, c'est elle, et ça ne pouvait qu'être elle.
Merci à toutes nos cigognes.
On revient de ce voyage différent et avec au moins une certitude: on, y retournera !!!
Christine, Stéphane, Léontine, Eliott, Hippolyte, et Appoline- Tirhas réunis depuis le 29/07/08