de Annie-Michel » 08 Mar 2008, 23:32
Voila un commentaire sur ce livre(*) trouvé dans Télérama de janvier 2008.
"Qu'ont en commun Isaro, belle jeune fille qui a « l'air d'un oiseau géant, de ceux qui tiennent des journées entières en équilibre sur une patte », et Niko, garçon ingrat qui, « lorsqu'il se fend d'un sourire, dévoile des dents sales, enchevêtrées et disproportionnées » ? Un pays qui ne dit pas son nom. La première l'a quitté pour la France, lorsqu'elle était enfant, et rejette aujourd'hui violemment ses parents adoptifs. Le second l'a fui en se terrant au fond d'une grotte, où il croupit la tête dans une flaque d'eau, entre le reflet de la lune et les sautillements des singes. Jamais le mot Rwanda n'apparaît dans ce premier roman d'une maîtrise impressionnante. Ce non-dit est une parole, assourdissante et apaisante. Une alternance de cris déchirants contre l'inconcevable et de chuchotements caressants contre l'indicible."
Ecrivain de 26 ans, Gilbert Gatore croise les destins de ses deux personnages en menant de front deux récits méditatifs d'une grande profondeur philosophique. Précautionneux et incisif comme un sauveteur d'âmes, il s'immisce dans le désordre cérébral de ses héros pour en extirper les pensées les plus justes. Souvent d'ailleurs ce sont des questions, humbles et essentielles : « Se peut-il qu'il existe un lien entre les hasards qui constituent une vie, un souffle secret qui en orienterait les tâtonnements ? » ou : « Doit-on quelque chose à son ange gardien ? », ou encore : « Où vont les mots une fois qu'on les a entendus ? »
Dans leurs expériences ultimes, aux frontières de la mort, Isaro et Niko combattent l'amnésie, tout en revendiquant le droit à l'oubli. Leur mémoire est un grenier dont ils veulent sortir les souvenirs quand ils le souhaitent, « comme on déploie un vieil habit, pour l'aérer, en considérer l'usure et la désuétude ». Gilbert Gatore a pris soin de numéroter chaque paragraphe de l'histoire de Niko, à la fois comme des articles de loi et comme les versets de la Bible. En revanche, celle d'Isaro jaillit et inonde sans limites. Précis et compassionnel, ce livre rend justice et pardonne. Tout en ouvrant les vannes, au nom de la liberté individuelle. Pour que le « passé devant soi » empêche le futur de rester à la traîne.
Marine Landrot
Telerama n° 3026 - 12 janvier 2008
(*)Le Passé devant soi.
De Gilbert Gatoré.
Edition Phébus.
A lire...Ce que je n'ai pas encore fait.
Peut être, un jour, arriverons nous à en parler...
ANNIE